Histoire de Minerve

Avant l’histoire : ce que nous apprennent préhistoriens et archéologues

La vallée de la Cesse est l’un des lieux les plus anciennement fréquentés d’Europe : des groupes préhistoriques avaient déjà l’habitude de venir se réfugier dans la grotte de l’Aldène il y a plus de 400 000 ans.

Le site même de Minerve a été habité il y a 6 000 ans. A cette époque, les populations néolithiques ont construit de nombreux mégalithes sur le causse : dans les années 1930, plus d’une centaine de dolmens étaient répertoriés sur la commune de Minerve. Malheureusement, le vandalisme et les fouilles sauvages les ont souvent dégradés. On peut encore voir ceux des Lacs à 3 km du village, route de Boisset.

Guttus ou biberon en verre, retrouvé dans une tombe, II-IIIème siècle

Depuis 6 000 ans, l’occupation humaine a connu quelques interruptions au fil du temps, mais aussi des temps forts pour lesquels les vestiges archéologiques sont nombreux, comme l’âge du Bronze final (vers 800 avant notre ère). Une telle ancienneté dans l’habitat a peu d’exemples en France.

L’occupation romaine a laissé peu de traces à Minerve même, alors que des domaines agricoles, des villae, se développent sur les collines environnantes, d’autant plus qu’au fil du temps Narbonne fait face à la menace des invasions dites barbares : les élites urbaines se replient sur leurs propriétés à la campagne.

Le christianisme se répand dès le IVème siècle, des sanctuaires ruraux sont construits à proximité des habitats associés à des nécropoles. C’est de cette époque que date l’église Saint-Nazaire, construite à l’emplacement actuel du cimetière du village.

Ruines d’une maison wisigothique enchâssée dans les remparts de Minerve

Une des grandes originalités du site de Minerve est d’avoir été fortifié depuis très longtemps, au moins depuis l’époque wisigothique. Le peuple wisigoth a fait irruption dans la région dès le début du Vème siècle. Minerve tombe dans leurs mains dans le dernier quart du Vème siècle et devient l’une de leurs places fortes. Leurs chefs y résident : la vaisselle nord-africaine qu’on a retrouvée témoigne à la fois de leur train de vie et d’une activité commerciale florissante.

La présence d'un château est attestée à Minerve dès 873

L’arrivée des Maures, qui tiennent Narbonne de 719 à 759, marque la fin de la domination wisigothique. Minerve, comme le reste de la région, passe ensuite sous la domination franque. C’est alors le chef-lieu d’une subdivision du territoire narbonnais, là où s’exerce le pouvoir sous l’autorité des envoyés du roi : l’assemblée générale où sont convoqués tous les hommes de plus de 14 ans se tient au pied du château. Les premiers documents écrits mentionnent le Minervois dès 836.

Les seigneurs de Minerve

Les principaux acteurs du plaid de 873 ont gravé leur signature sur l'autel de Saint Rustique

En 873 se tient un plaid (une assemblée générale) devant le château de Minerve, présidé par deux envoyés du roi assistés par cinq juges d’origine wisigothe. Il s’agit de juger un différend entre les moines de Caunes et l’archevêque de Narbonne. De nombreux notables du pays sont cités à comparaître comme témoins. La charte de ce plaid est le premier document écrit qui mentionne le château de Minerve.

Le site du château est un promontoire naturel fortifié

Si, au Xème siècle, la forteresse de Minerve reste un lieu où s’exercent toujours des pouvoirs publics, elle tombe néanmoins dans le patrimoine de ceux qui en sont chargés localement, d’abord les vicomtes de Béziers, puis en partie les comtes de Carcassonne. Au XIème siècle, le comte Guilhem de Carcassonne hérite vraisemblablement du Minervois et ce sont ses fils, Bernard et Pierre Guilhem, qui seraient à l’origine du lignage des vicomtes de Minerve, apparu vers 1066.

Tout au long du XIIème siècle, les Guilhem de Minerve sont les fidèles vassaux de leurs cousins, les Trencavel, vicomtes de Carcassonne, dans la longue lutte qui oppose dans la région les maisons de Toulouse et de Barcelone. Frères et cousins gèrent leur vicomté en coseigneurie, une branche de la famille devient seigneurs d’Olargues. Une véritable cour se tient à Minerve, où l’on reçoit chevaliers et troubadours. Parmi eux, Raimon de Miraval, qui chante sa dame Esquiva de Minerve. Cette cour est tout acquise à la nouvelle foi qui se répand dans la région dans le dernier tiers du XIIème siècle, et que nous connaissons sous le nom de catharisme.

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Qu'appelle-t-on "catharisme" ?

Il s'agit d'une église chrétienne qui a émergé à l'aube du Xème siècle sous différentes appellations dans l’Europe médiévale, organisée en "Eglise", structure ecclésiale dirigée par un évêque, un clergé (diacres et anciens), constitué d'hommes et de femmes (bonhommes, bonnes dames, bons chrétiens) pouvant prêcher et consacrer le "baptême par l'esprit". Les fidèles ne sont pas soumis aux règles de religion (célibat, jeûne, prières et travail manuel).

Cette religion est fondée sur une lecture dualiste des évangiles et du nouveau testament. Elle réfute en particulier la genèse, qui affirme que le monde a été créé par Dieu.

L’appellation cathare, à connotation péjorative, vient d'Eckbert von Schönau qui, en 1163, utilisait les termes "ketter", "catier" ou "chatiste", soit "adorateur du chat" ou "sorcier adorateur de Satan". Ils ont été désignés par d'autres noms péjoratifs, tels que "patarins", "publicains", "tisserands", "piphles", "bougres", etc...

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1210 - Siège et prise de Minerve

La croisade des Albigeois

Dirigée contre les dissidents religieux du Languedoc, appelés « Cathares » ou « Albigeois », la croisade des Albigeois a été déclenchée à la suite de l’assassinat du légat du pape Pierre de Castelnau par un écuyer du comte de Toulouse, le 14 janvier 1208. Les croisés se réunissent au printemps 1209, puis se dirigent vers le sud. Le 18 juin 1209, à Saint-Gilles dans le Gard, le comte de Toulouse Raimond VI se soumet à la papauté et prend la croix à son tour contre ses propres vassaux. Les croisés assiègent et prennent Béziers le 22 juillet 1209 : ils se répandent dans les rues et massacrent la population, hommes, femmes, vieillards et enfants, même les prêtres et les fidèles dans les églises. C’est le «gran mazel» (grande boucherie), un massacre qui fait plusieurs milliers de victimes : le pays bascule dans la terreur. (Photo: le pape Innocent III qui prêcha la croisade des Albigeois)

Le 1er août 1209, les croisés mettent le siège devant Carcassonne. Le 15 août, le vicomte de Carcassonne, Raimond Roger Trencavel, capitule. Il est jeté en prison où il meurt le 10 novembre 1209. Entre temps, Simon de Montfort a été élu chef militaire de la croisade et investi comme nouveau vicomte de Carcassonne, Béziers et Albi. Au printemps 1210, Simon de Montfort décide de mettre le siège devant Minerve : les habitants de Narbonne lui ont envoyé une délégation pour se plaindre des incursions de la garnison de Minerve dans le bas pays. Simon accepte de faire le siège de Minerve si le vicomte de Narbonne et les Narbonnais eux-mêmes y participent.

Le siège de Minerve

Aux côtés des croisés se tiennent de nombreux ecclésiastiques, dont le chef spirituel de la croisade, le puissant abbé de Citeaux Arnaud Amaury. Le siège commence «vers la Saint Jean» (24 juin) et se termine «vers la fête de la Madeleine» (22 juillet). Les assiégeants se disposent en quatre camps : les «Français» avec Simon de Montfort à l’est, les Gascons, commandés par un seigneur d’Ile-de-France, Gui de Lucé, à l’ouest, les Narbonnais sous le commandement de leur vicomte, au nord, et « les autres étrangers » (peut-être les Limousins et les Auvergnats) au sud.

Chaque camp met en place une machine de guerre qui pilonne Minerve : la plus grande est le pierrier de Simon, la «Malvoisine». Les machines font de sévères brèches dans les murailles, la Malvoisine détruit le passage couvert qui permettait aux Minervois de tirer l’eau du puits Saint-Rustique : les assiégés souffrent terriblement de la soif, l’été est torride. Le manque de vivres et surtout la soif contraint Guilhem de Minerve à capituler.

Le bûcher

Arnaud Amaury fixe les clauses : vie sauve à Guilhem et à tous les catholiques, quelque sympathie qu’ils aient eue pour les dissidents ; Simon doit rester maître de la place ; seuls les hérétiques qui se convertiront auront la vie sauve. Les dissidents s’étaient rassemblés dans deux maisons, les hommes dans l’une, les femmes dans l’autre. Gui des Vaux de Cernay, puis Simon de Montfort les exhortent à tour de rôle à renoncer à leur foi. Hommes et femmes refusent. Simon ordonne alors de les arrêter, fait dresser un bûcher et les condamne à être brûlés vifs. 140 à 180 parfaits (selon les sources) se précipitent alors dans les flammes.

La rue des Martyrs perpétue le souvenir du dernier trajet qui conduisit les parfaits au supplice.
La colombe sculptée devant l’église par l’artiste minervois Jean-Luc Séverac symbolise le sacrifice de tous ceux et de toutes celles qui ont préféré périr par le feu plutôt que de renoncer à leur liberté spirituelle.

 

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Minerve dans le Languedoc royal

Amaury VI de Montfort, fils et successeur de Simon, laisse en 1224 toutes ses possessions au roi de France, et des troupes royales tiennent alors garnison à Minerve. En 1255 la garnison est retirée et Minerve est placée sous le contrôle d’un viguier. Dans les années qui suivent, d’importants travaux transforment le château : les ruines que nous pouvons voir sont donc essentiellement celles du château royal reconstruit dans le dernier tiers du XIIIème siècle.

Les armes de Minerve

 

En 1320, la viguerie de Minerve est réunie à celle de Carcassonne. Le château n’a plus qu’une fonction strictement militaire et c’est, pendant plus de trois siècles, le siège d’une garnison qui ne compte guère qu’une douzaine de soldats. Le village, entouré de sa propre enceinte, est dès le XIVème siècle une communauté qui s’administre elle-même sous l’autorité de consuls élus par les chefs de familles. Elle dispose de son propre sceau.

Boulets de canon

La "candela" est un angle du château démoli qui se dresse tel une chandelle dans le ciel

En 1582, pendant les guerres de religion, un capitaine huguenot, Bacou de Pierrerue, s’empare du château et, à partir de cette position stratégique, lance des expéditions sur le pays environnant. Il en est délogé après 7 mois d’occupation par le gouverneur de Narbonne, François de La Jugie, au prix d’un siège en règle et d’un violent pilonnage d’artillerie dont Minerve garde encore des traces.

Cet épisode marque les esprits et les habitants de Saint Pons, qui craignent que le château ne tombe aux mains de brigands, demandent au roi sa destruction. Louis XIII ordonne alors la démolition des fortifications en 1636. L’ordre est exécuté l’année suivante.

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Minerve s’ouvre au monde

Gourde en verre fin XVIIème siècle

Sous l’Ancien Régime déjà, des gentilshommes verriers exercent leur art à Minerve. En 1663, l’un des leurs est condamné pour avoir dévasté la forêt pour les besoins de son four. Mais c’est l’exploitation des mines de lignite, concédée dès 1813, qui permet l’aventure industrielle et l’installation d’une verrerie sur le site des Aliberts, active de 1850 à 1870. Elle emploie une vingtaine de verriers, ainsi que des ouvriers pour alimenter le four. Les bouteilles, de couleur sombre, produites en masse, permettent l’exportation du vin par des péniches sur le canal du Midi.

Minerve dans son écrin de vignes

 

Car la grande mutation qui commence dans la seconde moitié du XIXème siècle est le passage d’une polyculture traditionnelle (vigne, blé, olives, élevage de chèvres et surtout de moutons), à la monoculture de la vigne, qui façonne le paysage actuel.

Le viaduc de Minerve

Le grand souci est alors de désenclaver Minerve. Un simple sentier faisait communiquer Minerve à Azillanet et, pour se rendre à La Caunette, il fallait emprunter le lit de la rivière. Des travaux de voirie essentiels aux passages des véhicules furent entrepris dans le village même, modifiant définitivement sa physionomie : élargissement de la grand’rue vers 1866, démolition de la porte principale et construction de la rampe qui domine le cimetière vers 1885. La route d’Azillanet est ouverte en 1898, celle de La Caunette en 1900. Enfin est bâti un pont de pierre à trois arches, de 100 mètres de long et 40 mètres de haut, dont la construction prendra 4 ans (1908-1912).

Minerve au confluent de la Cesse et du Brian

Désormais ouverte au monde, Minerve joue de son patrimoine pour attirer les visiteurs : dès 1934, de grands spectacles occitans font revivre le passé. En 1985, la pièce historique « Minerve 1210 », créée par l’écrivain Michel Cordes, est une vaste évocation du siège de Simon de Montfort, qui met en scène de très nombreux bénévoles. Peu à peu la vocation touristique du village se précise.

 

Le confluent, la porte basse et sa calade ont servi de décors naturels au spectacle "Minerve 1210"

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Contribution de
Mme Marie Vallée-Roche pour la partie historique
M. Michel Gasc pour la partie "catharisme"

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